Édith Stein, «morte avec et pour son peuple»
Ce 9 août, l’Église fait mémoire de sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, -Édith Stein dans le siècle-, juive convertie au catholicisme, philosophe et carmélite, déportée puis tuée dans le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. Sa vie fut une quête passionnée et absolue de la vérité, qu’elle découvrit en Jésus-Christ.
Manuella Affejee – Cité du Vatican
Édith Stein vient au monde le 12 octobre 1891 dans une famille juive de Breslau, en Prusse. Elle se détourne bientôt de la religion de ses pères, et, soucieuse de faire valoir sa liberté dans ses choix de vie, se revendique athée. Dotée d‘une vive intelligence, elle entreprend de brillantes études en philosophie et sera même la première femme, en Allemagne, à présenter une thèse dans cette discipline avant de devenir l’assistante du père de la phénoménologie, Edmund Husserl.
Conversion au catholicisme
La lecture des écrits de Sainte Thérèse d’Avila la bouleverse ; c’est ainsi qu’elle demande le baptême en 1921, à l’âge de 31 ans, malgré la douleur de sa mère, juive pratiquante. « Pendant longtemps, Edith Stein vécut l’expérience de la recherche. Son esprit ne se lassa pas de chercher et son cœur d’espérer. Elle parcourut le chemin difficile de la philosophie avec une ardeur passionnée et, à la fin, elle fut récompensée : elle conquit la vérité, ou plutôt, elle fut conquise. En effet, elle découvrit que la vérité portait un nom : Jésus-Christ. À partir de ce moment, le Verbe incarné fut tout pour elle», dira d’elle le saint Pape Jean-Paul II. Elle-même écrira:«Dieu est la vérité. Qui cherche la vérité, cherche Dieu, qu’il en soit conscient ou non».
Edith Stein choisit la voie de l’enseignement avant que les lois raciales édictées par le régime nazi ne le lui interdisent. Pleinement lucide sur les objectifs réels d’Hitler au regard de la «question juive», elle fait part de ses inquiétudes par lettre au Pape Pie XI. Elle y déplore le mépris total de justice et d’humanité démontré par un gouvernement qui se prétend alors chrétien ; évoquant le suicide de plusieurs juifs, poussés par le désespoir face à une situation de plus en plus intenable, elle écrit au Souverain Pontife: «je suis convaincue qu’il s’agit d’un phénomène général qui va faire encore beaucoup d’autres victimes. On peut regretter que ces malheureux n’aient pas en eux la force intérieure pour porter leur destin. Mais la responsabilité pèse pour une grande part sur ceux qui les ont acculés jusque-là. Et elle retombe aussi sur ceux qui se taisent».
Prise dans les tourments de la Shoah
En 1933, elle entre au carmel de Cologne et prend le nom de Thérèse-Bénédicte de la Croix, car elle place désormais son combat contre les forces obscures qui se déchainent alors sous le signe de la croix du Christ : «sous la Croix, j’ai compris le sort du peuple de Dieu […] En effet, aujourd’hui, je sais beaucoup mieux ce que signifie être l’épouse du Seigneur sous le signe de la Croix. On ne pourra jamais comprendre cela à fond car c’est un mystère», affirme-t-elle dans une lettre, rédigée au lendemain de la Nuit de Cristal, en novembre 1938.
Devant le péril grandissant, elle quitte l’Allemagne avec sa sœur, qui a embrassé comme elle la foi chrétienne, pour trouver refuge dans le carmel d’Echt, aux Pays-Bas. En représailles à une dénonciation vigoureuse des exactions nazies par les évêques hollandais, les autorités procèdent à la déportation de tous les chrétiens d’origine juive. Edith et sa sœur sont raflées, comme les autres. «Allons, pour notre peuple», dit-elle avant d’être emmenée à Auschwitz ; elle mourra dans les chambres à gaz du camp, le 9 août 1942.
Donnée en exemple par les papes
Elle est canonisée le 11 octobre 1998 par Jean-Paul II, qui lance ce souhait à la fin de son homélie : «que (la nouvelle sainte) soit pour nous un exemple dans notre engagement au service de la liberté, dans notre recherche de la vérité. Que son témoignage rende plus solide le pont de la compréhension réciproque entre juifs et chrétiens».
L’année suivante, le 1er octobre 1999, elle est proclamée co-patronne de l’Europe, aux côtés de sainte Brigitte et de sainte Catherine de Sienne – et après trois patrons, Benoît de Nursie et les deux frères évangélisateurs, Cyrille et Méthode.
Lors de son voyage en Pologne, en 2006, Benoît XVI lui avait rendu hommage, sur les lieux mêmes de son martyre : «j’ai ressenti comme un profond devoir de m’arrêter de façon particulière également devant la stèle en langue allemande. De là apparaît devant nous le visage d’Edith Stein, Thérèse Bénédicte de la Croix: juive et allemande, disparue, avec sa sœur, dans l’horreur de la nuit du camp de concentration allemand-nazi; comme chrétienne et juive, elle accepta de mourir avec son peuple et pour son peuple».
Lors de l’audience générale de ce mercredi, le Pape François, à son tour, a évoqué cette grande et belle figure devant les pèlerins rassemblés en salle Paul VI: «j’invite tous à regarder ses choix courageux exprimés dans une authentique conversion au Christ, ainsi que dans le don de sa vie contre toute forme d’intolérance et de perversion idéologique».