- La crise gronde : le temps et le lieu de l’Église. Martin Steffens, philosophe.
Depuis la Pentecôte, le chrétien habite, non la fin des temps, mais le temps de la fin. C’est un temps exigeant, un temps de tous les instants : à son retour, le Christ fixera ce monde dans l’état où il le retrouvera. Y trouvera-t-il la foi (Lc 18, 8) ? Y trouvera-t-il au contraire des enfants masqués, sur lesquels se pose quotidiennement un regard mêlé de peur et de reproche, de la part d’adultes prêts à les sacrifier pour quelques jours de plus dans leur vallée de charme ? Le Christ, qui a révélé que le visage de Dieu était aussi le nôtre, n’entreverra-t-il que des figures fuyantes, drapées sous la peur de l’autre ? Lui qui était venu apporter un sacré du toucher, congédiant celui de la souillure, verra-t-il son œuvre niée en quelques mois seulement ? Car chacun, ici-bas, est devenu le lépreux de tous les autres. Exister socialement, aujourd’hui, c’est prouver continuellement à la société comme l’on est prêt à s’exclure d’elle, à tout moment, par un auto-confinement.
Parce que nous avons désappris le temps chrétien, parce que nous ne veillons plus l’imminence de Celui dont pourtant, à chacun des offices du dimanche, nous appelons le retour, nous laissons s’installer ce monde inhospitalier. Nous, chrétiens, sommes désormais « du monde ». Et parce que nous sommes du monde, nous ne pouvons même plus être « dans le monde » : incapables de mesurer ce jour à l’aune d’une éternité qui vient, nous adoptons les dernières modes sanitaires et emballons cela du mot de « charité ».